Vous le savez, je suis passionnée par la culture Anabaptiste depuis plus de 15 ans et j’ai lu pratiquement tout ce qui a été publié sur le sujet.
Les Anabaptistes font partis d’un courant religieux qui est né au 16ème siècle et qui est basé sur le baptême à l’âge adulte. Vous avez sûrement entendu parler des Amish (et vu le film “Witness” avec Harrison Ford qui accumule les erreurs sur cette culture pour info), peut-être aussi des Mennonites, mais je suis quasiment sûre que vous n’avez jamais entendu parler des Hutterites. J’ai moi-même découvert ce terme début 2016 alors que je faisais des recherches sur la culture Amish (et pour ceux qui l’ont raté, j’ai passé une semaine dans une ferme Amish il y a deux ans qui a donné lieu à une émission TV sur FOX). Et quand je dis “je passe une semaine chez des Amish”, je m’intègre à 100% !
Je me suis alors demandé quelle était la différence entre Amish et Hutterites et la réponse est simple : leurs croyances sont identiques mais la façon de les vivre est différente. Contrairement aux Amish qui vivent le plus simplement possible et avec un contact minimum avec le “monde”, les Hutterites n’excluent pas la technologie de leur vie : ils ont internet, le téléphone, des voitures, etc. Ils vivent en communauté de bien ; ils n’ont pas de compte en banque ou ne possèdent pas leur maison par exemple, comme un kibbutz en Israël ou un kolkhoze à l’époque de l’Union Soviétique. Il existe environ 460 colonies Hutterites réparties entre les USA et le Canada (uniquement dans les grandes plaines). Chaque colonie comprend jusqu’à une centaine d’habitants et une fois le chiffre de 100-140 atteint, la colonie se coupe en deux et va chercher un nouveau terrain pour continuer son expansion.
Je vous expliquerai bientôt (dans mon vlog à venir) comme je suis arrivée à communiquer avec Carol Maendel, membre de la Colonie Hutterite de Forest River dans le North Dakota. Mais toujours est-il que grâce à notre amitié je fus invitée à passer quelques jours chez elle en plein hiver du grand nord.
Long voyage depuis San Francisco avec un changement à Minneapolis pour un tout petit coucou. À l’arrivée de Grand Forks, un minuscule aéroport au milieu de nulle part se dévoile à la dernière minute au milieu des champs de neige à l’infini, des carrés parfaits dessinés sur le sol par des rangées d’arbres dont le but est de couper le vent.
Carol et Brian, nounours adorable, sont là. Grand moment tant attendu. Nous partons immédiatement dans le pickup du mari auquel est arrimé une longue plateforme de bois. On se sent dans le bain tout de suite !
Nous partons faire du shopping d’un autre genre, point de magasins de vêtements ou de beauté, mais plutôt un dépôt de bois, un spécialiste des palettes, un autre de plomberie. Au milieu, Carol nous glisse deux supermarchés à faire pâlir nos magasins très bien achalandés de la côte ouest : le sans gluten, le bio, et le sans « tout » en général est excessivement bien représenté.
Après 1h de route en gros pickup au milieu des champs couverts de neige, nous voilà arrivés à la colonie Hutterite de Forest River. La première chose que l’on ressent ? Un calme absolu… Nous sommes loin de toute civilisation vraiment.
Carol m’installe dans la chambre des enfants pour que je sois à mon aise, plutôt sympa pour cette maman enceinte qui se retrouve avec ses deux petites filles partageant la chambre de leurs parents. Ashley Rose et Petra sont deux petites adorables avec qui j’accroche tout de suite, du coup, séance lecture, câlins et joujou.
Leur maison est une bâtisse de pré-fabriqué très confortable avec deux salles de bain, un salon, une cuisine et une salle de couture/travaux créatifs. Comme la communauté détient toutes les ressources, Carol et Brian auront une plus grande maison lorsqu’ils auront d’autres enfants.
La cuisine n’est pas vraiment importante puisque les repas sont pris au réfectoire de la colonie qui compte 140 habitants. Les hommes y sont séparés des femmes par de longues tables sur lesquelles sont présentés les plats et condiments. Bon, je vous préviens tout de suite, les menus sont loin d’être LeBootCamp, mais je vais essayer de les influencer.
Chaque jour, cinq femmes sous la houlette d’une chef cuistot préparent les trois repas principaux pour 140 personnes. Leur équipement est digne des plus grands restaurants. Je vous laisse imaginer le boulot ! Si vous êtes comme moi, allergique à une liste effrayante d’aliments, votre régime ne sera pas simple !
Impossible de rater un repas, même sans montre, ils sont annoncés soit par une cloche, soit par le système intercom installé dans chaque maison (du coup, le matin, point de grasse matinée, à 7h tadaaaaaa debout tout le monde !).
Le même système intercom annonce le service religieux du soir (30 minutes par jour en semaine et 2 services le dimanche). Malade ? Pas en état d’aller à l’église ? Pas grave, le sermon est retransmis par l’intercom. On n’y échappe pas. Dans l’église, située sous le réfectoire, le service est en Hutterish, sauf que le ministre a été adorable et a parlé en anglais pour moi.
À l’église, les hommes sont assis à gauche, et les femmes à droite. Une seule personne fait le sermon (contre plusieurs chez les Amish) et leur leader religieux s’appelle un “Ministre”.
Les Hutterite sont très respectueux, et passent de leur langue natale, le Hutterish, à l’anglais dès que j’arrive dans une pièce. Pour les Amish, Mennonites ou Hutterites, toute personne extérieure, comme moi, s’appelle un “English“.
Côté tenues vestimentaires, les hommes portent des pantalons sombres (il vaut mieux car ils sont tous actifs dans la colonie et plutôt en contact avec la terre et ses produits), des chemises souvent à carreaux et des bretelles. Les femmes portent des robes à motif très spéciaux (sérieusement, ils les trouvent où ces motifs si rares, c’est dingue !), et un foulard, noir tout simple chez Carol mais parfois à petits ou gros pois blancs selon la branche Hutterites que vous visitez. Les enfants s’habillent de même mais avec des chapeaux/couvrechefs différents. Notez que les femmes Hutterites font leurs propres robes, foulard, les vestes et les chemises de leur maris ainsi que leurs dessous (véridique, Victoria Secrets n’a qu’à bien se tenir !).
Une chose est certaine, en hiver, on ne marche pas beaucoup dans la colonie, tout est à moins de 300 pas de la maison… J’avais les pieds qui me démangeaient. Carol a dû me prendre pour une folle car je lui demandais toujours de sortir marcher avec moi. En général, je tourne à 20 000 pas par jour, je fais une heure de vélo et du renforcement musculaire chaque jour. Là-bas, j’ai accumulé 2000 pas en moyenne et 4000 si vraiment je poussais. Je précise que Brian m’a emmenée en voiture jouer au hockey à moins de 300 mètres de la maison. Brian, cette petite pique est pour toi, interdiction dorénavant de prendre la voiture pour traverser la colonie ! Décidément, il va falloir que j’écrive un livre de Hutterite Fitness :).
Côté beauté, les femmes Hutterites ne se maquillent pas mais elles aiment le maquillage qu’elles recherchent en ligne et les produits de beauté qu’elles font souvent elles-mêmes. J’ai ainsi fabriqué mon propre gommage au café pour le visage avec Carol (la vidéo arrive bientôt sur ma chaîne Youtube). Et alors que sa petite fille toussait fortement, Carol s’est mise à faire son Vicks® maison. Les Hutterites sont les rois du recyclage et ne sont pas dépensiers, c’est le moins que l’on puisse dire : tout récipient va connaître une autre vie, on ne jette pas les tissus des chemises déchirées irréparables, on en fait des tapis par exemple.
Cette colonie gère un élevage de porcs de taille très respectable (860 truies, chacune faisant en moyenne 40 bébés par an), ainsi qu’une production d’œufs importante (plus de 13,500 pondeuses). Ceci, allié au reste des récoltes vendu à des conserveries renommées comme Campbell Soup, constitue une source de revenus importante. Néanmoins, les Hutterites sont frugaux et aiment vivre en autarcie maximum donc ils plantent et élèvent ce qui est nécessaire à leur subsistance : pommes de terre, carottes, choux, volailles, cochons, etc. Ils chassent aussi en hiver pour suppléer au stock de viande. En été, pendant les récoltes, les femmes mettent en conserve la majeure partie des produits de leur terre.
Pas de vacances exotiques pour les Hutterites. On ne part pas en Corse, à Hawaï ou Tahiti. On visite sa famille, et c’est tout. On évite l’avion et on privilégie le déplacement en voiture ou en bus. Pas de TV non plus, on passe les soirées en famille et entre amis avec des guitares et on chante. Ou bien, RDV à la patinoire de la colonie pour un jeu de hockey sans agressivité. J’ai été invitée à jouer mais bon, n’ayant jamais fait de hockey de ma vie, je vais apprendre et revenir stable sur mes patins la prochaine fois.
Les enfants sont très bien élevés et écoutent vraiment leurs parents. Le soir, ils s’installent dans le salon avec des livres (et parfois le téléphone portable de papa, mais très très rarement). Leur langue natale est le Hutterish, puis à l’école, ils apprennent l’allemand puis l’anglais (comme les petits Amish qui commencent avec le Pennsylvania Dutch, puis le haut allemand puis l’anglais). Heureusement que j’ai des restes de mes cours d’allemand, bien pratique quand la petite dernière baragouinait dans un mélange germanique peu compréhensible !
Cet article est déjà très long, mais j’ai tellement à partager sur cette expérience… assez pour écrire un petit livre sur les Hutterites ! J’espère que ce partage d’expérience vous aura plu. On m’a demandé “mais quel est le rapport entre coach minceur & bien-être et aller passer du temps avec des gens comme ça?”. La réponse ? Chacun/e gère son équilibre comme il/elle le souhaite, pour ma part, aller à la rencontre des “Autres”, comprendre leur culture, leurs difficultés, leurs réussites, leurs spécificités, me permet de mieux comprendre ma vie. Le tout sans jugement aucun. Et si au passage je peux les aider dans leur vie, je donne tant que je peux.
Je tiens à remercier du fond du cœur ma super Carol pour son accueil chaleureux et adorable. Et un grand merci à Brian pour les petits barbecues qu’il m’a fait histoire que j’ai ma dose de poisson de la semaine (les Hutterites n’en mangent quasiment jamais). Je me suis sentie chez moi pendant quelques jours. Et c’est promis, je reviendrai pour les récoltes cet été car il parait que c’est épique !
Namaste et à bientôt pour un autre partage d’un autre style.
4 commentaires
Quel récit passionnant. Tellement épanouissant aller vers les autres et apprendre à les connaître. Cela nous permet d’avoir un autre regard vis à vis de notre vie. J’ai veçu cela en Inde. Je suis revenue avec une vision de la vie différente de celle que j’avais avant de partir. Namaste
namaste <3
Hâte de voir le vlog 🙂
il arrive il arrive 😉