Vous avez suivi mes aventures sur instagram @valerieorsoni, vous avez vu que mon ascension de la Face Est du Mt. Whitney (4,421m) fut entre enfer et paradis ! Merci pour vos messages tous doux envoyés depuis la carte GPS.
Déjà, pourquoi je grimpe ? Parce que j’aime la montagne à un point difficile à expliquer. Que je ne me sens bien que sur les flancs d’un monstre de pierre (et aussi à 30 mètres de profondeur quand je plonge). Que j’ai le vertige et que je le combats en me mettant toujours plus dans des conditions effrayantes pour moi, que je surmonte pour montrer à mon esprit que c’est moi qui commande ! Attention, je ne suis pas une pro de l’alpinisme ni une super grimpeuse. Je suis juste passionnée et aime le contact avec la roche.
Le Mont Whitney, c’est ça : un monstre de roche qui s’élance vers le ciel à 4421 m., avec de belles proportions qui donnent envie d’explorer, de grimper, de se dépasser.
Je suis partie avec plusieurs handicaps :
- une contracture très douloureuse au mollet gauche 2 jours avant mon départ et 5 jours avant l’ascension,
- mon coude droit avec une belle tendinite depuis quelques semaines causée par un entraînement trop poussé un jour où l’enthousiasme était vraiment là,
- et mes douleurs permanentes depuis que je suis toute petite : rhumatismes généraux, douleur au poignet droit, et autre sacrum soudé. Mais on ne se laisse pas abattre ! #TeamNoExcuse
Départ dimanche 24 juin. Direction Mammoth Lakes à soit-disant 5h de route de chez moi..je mettrai 8 h ! Je traverse de superbes petites villes typiquement far-west avec leur saloon et autre grand classique.
Arrivée dans la fumée des incendies qui brûlent depuis un mois et ravage la Sierra. Odeur atroce de bois brûlé et brumes permanentes. Les deux premiers jours sont passés à récupérer de la route et à me préparer côté matériel et technique et surtout pour soigner ma contracture bien handicapante.
Le mardi soir, je pars faire du shopping avec mon guide, Viren, avec qui j’ai déjà fait une belle aventure hivernale de grimpe sur glace en mars. À cause de mes limitations alimentaires, nous passons une heure à choisir les bons ingrédients. En montagne, bien manger est une des clefs du bonheur ! Pas de trucs déshydratés pour nous, on cuisine pour de vrai !
Mercredi matin, c’est le départ pour Lone Pine, à 2h au sud puis pour le Whitney Portal où nous démarrons l’aventure à 2,500 m d’altitude.
Il fait 35 degrés ! Une chaleur infernale pour prendre plus d’un kilomètre de dénivelé en 3h. Pas de chemin super facile là mais des gros rochers à escalader (nous avons pris un raccourci) et autres rivières à traverser. Comme j’ai un sens de l’équilibre approximatif, ces passages de rivière sont toujours risqué pour moi. Nous ne croisons personne. Assez irréel de marcher sans rencontrer âme qui vive. Le souffle se fait court, le coeur bat vite.
Arrivée vers 15h dans un coin magique à 3,500 m d’altitude ! Petit lac bordé de roches nues et le Whitney qui nous regarde du haut de ses 4,421m. Une fois les tentes installées, nous nous mettons à cuisiner un dîner de gala : quinoa (il met 40 min à cuire à cette altitude !), tomates déshydratées, pancetta grillée et manchego fondu. Pour le dessert, des clémentines. Miam !
Je me couche à 9h, crevée…..je lis jusqu’à 11h puis éteints tout…direction Morphée. À minuit et demi, je me prends un spot de lumière en plein visage et me réveille en sursaut ! La pleine lune est passée au-dessus de la montagne qui nous entoure et éclaire le lac et la tente comme en plein jour ou presque….au même moment, le vent se lève….d’abord tout doux puis tellement violent que les bords de ma tente se soulèvent furieusement. Impossible d’en sortir pour faire pipi ! Je ne dors que 2 heures la veille de la grande ascension. Entre le manque de sommeil, le vertige, le mollet, l’altitude et le reste, ça promet !
Debout à 4h30 du matin pour tout préparer. Au menu : steak haché grillé et petits légumes avec manchego fondu. Miam !
Départ à 7h pour Iceberg Lake à 1h de là pour refaire le plein d’eau (on utilise un Steripen pour stériliser l’eau).
Puis 1h de plus pour nous retrouver au pied de la paroi. Changement de chaussures (on met les chaussons de grimpe), vérification des cordes et autres équipements que nous utilisons pour fixer la corde dans les fissures.
C’est parti ! Le temps de grimpe sur la paroi qui apparaît vraiment comme verticale est prévu entre 4h pour les meilleurs et 8h pour les plus lents. Je vous avoue me foutre du temps comme de l’an 40. Pour moi, grimper c’est une communion avec la nature, pas une course poursuite. C’est aussi une première pour moi. Je n’ai jamais fait 13 pitches dans des conditions pareilles et à 4,000 m !
Premier pitch relativement facile, je suis heureuse….puis les difficultés augmentent. Je me retrouve dans le vide plusieurs fois. Je dois faire confiance à mes pieds quand mes mains ne trouvent pas de belles prises et vice-versa. À partir du pitch 6, je commence à ressentir une certaine fatigue au niveau des doigts et mon index gauche se coince en position recroquevillée. Il ne répond plus à rien. Cela me gêne beaucoup pour nettoyer la voie (c’est moi qui enlève les cams et autres coinceurs que l’on met dans les fissures pour accrocher la corde). Au pitch 7, l’index gauche fait pareil. Je grimpe donc avec 8 doigts, pas super pratique. Cela fait 3 heures que nous grimpons sans vraiment nous arrêter.
note : un pitch = une longueur de corde
Au pitch 8, alors que je m’appuie sur ma main droite pour me hisser de 20 cm, une douleur foudroyante éclate dans mon poignet droit. Je suis au bord des larmes….je ne pourrai plus m’en servir. Je grimpe donc avec 8 doigts et une main très limitée. La vue est à couper le souffle, les fleurs sauvages sont tout simplement superbes, et ceci me donne une pêche d’enfer !
Au pitch 9, alors que je suis sur un surplomb et que je me bats pour retirer un cam d’une fissure, je lâche prise et tombe dans le vide !
Je suis à 4,000 m d’altitude, avec 500 m de vide sous moi et ma vie ne tient qu’à un fil, ou plutôt à une corde. Cette corde est fixée dans une fissure rocheuse à l’aide de deux camalots. Séquence émotion.
Rappelez-vous, j’ai le vertige !
Je suis morte de peur, effrayée, tétanisée, je jure…et je sens une crise de paniue m’envahir. Mais….en grimpe alpine, on ne peut jamais redescendre, on ne peut aller que vers le haut.
Je n’ai pas le choix….je ne dois pas me laisser aller…je ravale mes larmes et ma crise, je donne un coup de pied au derrière, prends de grandes inspirations et arrive à me calmer. Je sais que mon guide n’est déjà pas content car je suis trop lente alors…..Bref, je me hisse un cran plus haut et continue……
note : un cam = camalot = permet d’assurer un ancrage dans une fissure (il existe aussi des coinceurs et autres outils qui permettent de coincer une corde quand il n’existe quasiment rien pour l’accrocher).
Pitch 11 : le calvaire n’est pas terminé car une belle cheminée s’ouvre à nous mais curieusement, cela me paraît facile….
Ça y est ! Après 7 heures sur la paroi, j’émerge sur le toit de l’Amérique à 4.421 m ! Je suis heureuse, vous n’imaginez même pas ! J’ai envie de pleurer de joie ! Mon coeur éclate de satisfaction et de fierté. J’ai réussi ! Yes !
Puis….je vois la tête de mon guide. Il n’est pas content et m’assène un “c’est la première fois que j’arrive aussi tard au sommet”. Pas le temps de faire de photos à part une plutôt moche. Il me tue mon bonheur.
On ne s’attarde pas car monter n’est que la première partie de l’aventure vu que la descente est assez dangereuse : neige et rochers qui bougent dans tous les sens. Au passage, nous croisons des gens qui grimpent par une voie plus facile et qui arriveront donc 3h après nous…ce que je m’empresse de signaler à mon guide pour qu’il se calme un peu.
Il nous faudra encore 3h de descente pour rejoindre nos petits tentes perdues près du lac.
Le soir, je suis partagée entre faire la gueule et aller me coucher parce que franchement, me zigouiller mon bonheur comme ça …argh….et la faim qui me tenaille. Donc, l’estomac gagne et on se retrouve dans une situation un peu tendue. Je décide de partager avec mon guide mon insatisfaction de comment il a géré l’ascension et ses attentes. Il est important d’exprimer ses sentiments pour ne pas les laisser nous bouffer de l’intérieur, et surtout il ne faut jamais donner à quiconque le pouvoir de détruire nos moments de bonheur après des efforts qui nous ont fait sortir de notre zone de confort ! Ha mais !
Une nuit courte et c’est la descente vers le Whitney Portal (3h), puis retour chez moi dans la foulée, 7h de route. Arrivée à la maison à 21h30. Quelle journée !
Je me remets de mes émotions avec un passages aux urgences pour cause de déshydratation assez sévère, vertiges importants et mal au coeur (attention : ici, déshydratation ne veut pas dire que je n’ai pas assez bu mais que je n’ai pas assez de sodium dans le sang) et je pense déjà à mon prochain sommet, le Mt Elbrus en Russie ! (si vous êtes attaché.e de presse d’une marque intéressée pour me sponsoriser, contactez-moi sur [email protected])
Merci de me suivre et me donner cette énergie de folie.
Love,
Valérie Orsoni